MAMELOSCHN, LANGUE MATERNELLE – MARIANNA SALZMAN

MAMELOSCHN, LANGUE MATERNELLE

MARIANNA SALZMANN

 

LA PIECE

  • Muttersprache Mameloschn
  • « Mameloschn, Langue maternelle »
  • Traduction de l’allemand par Charlotte Bomy (2014)
  • Pièce construite en courtes séquences dialoguées et monologiques
  • 3 femmes
  • Texte intégral
  • 59 pages
  • Langue originelle : Allemand
  • Ecriture à Berlin 2011
  • Création en Allemagne, Deutsches Theater, 2012
  • La pièce est publiée par la maison d’édition Verlag der Autoren en Allemagne et est représentée par L’Arche en France.
  • La pièce a déjà été traduite en anglais et en turc.

Résumé

Trois femmes, trois générations, trois façons de vivre dans l’Allemagne d’aujourd’hui. Lin, la grand-mère, a survécu aux camps et était une communiste convaincue du temps de la RDA. Clara, la mère, a occulté toute forme d’identité juive dans sa vie quotidienne et rejette cet héritage trop lourd à porter. Rachel, la petite-fille, est en quête de son identité sexuelle et se retrouve par la même occasion confrontée à ses racines familiales.

 

Quelques réflexions dramaturgiques

Le titre de la pièce Muttersprache Mameloschn constitue en soi une tautologie : « Mameloschn » signifie « langue maternelle » en yiddish, comme « Muttersprache » en allemand. Le rapport à la langue maternelle et la construction de soi à travers l’étendue des possibilités d’un monde interculturel sont des thèmes qui traversent toutes les pièces de Marianna Salzmann. Cela n’a rien d’étonnant lorsqu’on sait que l’auteure a d’abord grandi en Russie, dans une famille juive, avant d’arriver en Allemagne à l’âge de dix ans où elle a commencé à apprendre la langue allemande dans laquelle elle s’exprime aujourd’hui à travers l’écriture théâtrale. Elle évoque, à travers le parcours de Rachel, la voix d’une génération post holocauste, d’une « troisième génération », laïque mais attirée par le judaïsme culturel.

Le personnage de Lin s’inspire directement de Lin Jaldati (1912-1988), chanteuse et danseuse, juive et communiste, qui fut une figure singulière de RDA. Née à Amsterdam (nom de naissance : Rebekka Brilleslijper), elle s’engagea dans le mouvement communiste dès 1936. Elle côtoya Anne Franck dans les camps où elle fut internée durant la guerre. Dans les années 1950, elle devint l’une des principales interprètes des chansons yiddish en Allemagne de l’Est, un répertoire qu’elle élargit au folklore et aux chants révolutionnaires, qui lui valut plusieurs prix nationaux (cf. autobiographie de Lin Jaldati, avec Eberhardt Rebling : Sag nie, du gehst den letzten Weg!, Der Morgen, Berlin, 1986).

Avec de l’humour, et de la colère en même temps, la pièce décrit les relations entre trois générations de femmes d’une même famille, avant et après le départ de la plus jeune, Rachel, qui choisit de continuer ses études à New York. La présence masculine qui manque dans cette constellation familiale est celle de Davie, le frère jumeau de Rachel, dont on comprend en filigrane qu’il a quitté le foyer familial depuis longtemps pour rejoindre un kibboutz. Davie, ce frère absent est un « point aveugle » dans les dialogues du quotidien, une part de soi que l’on n’arrive pas à accepter ou à comprendre.

Les questions d’identité et de construction de soi sont explorées à travers un patchwork de scènes courtes, un ensemble de fragments non chronologiques. Les sauts temporels, entrecoupés par des entretiens de Lin avec un journaliste ou des lettres que Rachel écrit de New-York à son frère, apportent une dynamique singulière au texte : celle des bribes de souvenirs qui remontent en désordre. Ce montage permet de renouveler une forme d’écriture autour de problématiques souvent explorées par le théâtre contemporain, comme l’incommunicabilité ou la cellule familiale dysfonctionnelle, tout en multipliant les perspectives.

 

L’AUTEURE

Née en 1985 à Volgograd, Marianna Salzmann a grandi à Moscou, avant d’émigrer en Allemagne en 1995. Elle cofonde dès 2003, avec l’auteur Deniz Utlu, la revue culturelle freitext dont elle est jusqu’à aujourd’hui membre du comité de rédaction. Elle débute ensuite des études littéraires à l’Université de Hildesheim en 2005. Après avoir été assistante à la mise en scène et à la dramaturgie, elle monte ses propres spectacles à Hanovre (Ein Attentat auf Godot en 2007 et geistern folgen en 2009). De 2008 à 2012, elle suit le cursus d’écriture scénique proposé par l’Université des Arts de Berlin.

Sa première pièce, Weißbrotmusik remporte en 2009 le prix des Wiener Wortstaetten et est présentée au BAT de Berlin et au Nestroyhof de Vienne. En 2011 et en 2012, d’autres textes donnent lieu à des productions en Allemagne, notamment SATT au Bayerisches Staatstheater de Munich, Massensterben der Möglichkeiten au Deutsches Theater de Berlin, Tod eines Superhelden et Beg your pardon au Ballhaus Naunynstraße. La pièce Muttermale Fenster blau, créée au Badisches Staatstheater de Karlsruhe, lui vaut en janvier 2012 le prix Kleist d’encouragement pour jeunes dramaturges. La pièce Muttersprache Mameloschn, montée au Deutsches Theater par Brit Bartkowiak est nominée lors des Journées théâtrales de Mulheim en 2013 où elle remporte le prix du public.

Depuis la saison 2013/2014, Marianna Salzmann fait partie de la nouvelle équipe du Maxim Gorki Theater à Berlin, co-dirigé par Shermin Langhoff et Jens Hillje. Elle est l’auteure associée du théâtre et s’occupe de la programmation de l’annexe du Gorki, le Studio Я : il s’agit d’un lieu d’expérimentation, d’une plateforme dite « postnationale » où sont présentés les travaux d’artistes issus de la migration et de « zones de crise », notamment ceux du collectif Conflict Zone Arts Asylum.

C’est sa pièce Schwimmen lernen, ein Lovesong (Apprendre à nager, un chant d’amour) qui ouvre la programmation du Studio Я en novembre 2013, présentée dans une mise en scène de Hakan Savaş Mican. Le spectacle est invité au Heidelberger Stuckemarkt 2014.

Sa pièce Zöpfe (Tressés) est également présentée dans le cadre de lectures scéniques au Studio Я en décembre 2013, à la suite d’un atelier d’écriture intitulé RAUŞ – Nouvelles pièces allemandes en collaboration avec le magazine freitext.

Enfin, la toute dernière pièce de Marianna Salzmann Hurenkinder Schusterjunge (Veufs et orphelins) est créée en janvier 2014 au Théâtre National de Mannheim et le spectacle est invité au Festival Radikal Jung 2014. Ce texte a été écrit par l’auteure lors d’un séjour prolongé à Istanbul au printemps 2013 (bourse de l’Académie culturelle de Tarabya), au moment même où débutaient les mouvements protestataires dans le parc Gezi.

Les textes de Marianna Salzmann

Les textes de Marianna Salzmann sont actuellement présentés sur les grandes scènes allemandes et suscitent beaucoup d’attention. Sa nouvelle position d’artiste associée au théâtre Maxim Gorki apporte de la visibilité à une nouvelle génération d’auteurs et d’artistes autour de l’idée de « théâtre post-migratoire » (ou « postmigrantisches Theater »), interrogeant les formes admises d’intégration dans la société allemande et européenne et la possibilité d’une l’identité multiculturelle. Cette nouvelle dynamique dans le paysage théâtral germanophone a d’abord été impulsée par Shermin Langhoff au Ballhaus Naunynstraße, un théâtre off situé au centre de Kreuzberg, et se développe désormais au Gorki grâce à la nouvelle co-intendance artistique de Shermin Langhoff et Jen Hillje. Elle met en valeur des histoires et des expériences sociales singulières, et ouvre un nouveau champ d’expérimentation au sein du théâtre de langue allemande, avec une pertinence à la fois esthétique, sociale et politique.

LA TRADUCTRICE

  • Charlotte Bomy, née en 1978, France.
  • Docteure en Arts du spectacle, traductrice de théâtre, opératrice-surtitrage.
  • Traduction française effectuée en 2014 à Berlin avec le soutien du programme Transfert Théâtral en 2014.
  • Autre traduction de Marianna Salzmann, en cours de réalisation par Charlotte Bomy : Weißbrotmusik (Musique du pain blanc)