AMIR AVANT
AURIANNE ABECASSIS
Texte écrit en 2014 lors d’une résidence à St Antoine l’Abbaye
L’écriture a été accompagnée par A mots découverts, qui en a fait une lecture publique à Confluences en octobre 2015, dans le cadre du festival Péril jeunes.
Amir avant a aussi été sélectionné par le festival Textes en cours (2015) et par la Mousson d’hiver (2017)
Résumé
De l’autre côté du Périphérique se dresse la tour en verre d’une grande entreprise qui vient de délocaliser son siège de Paris vers la banlieue. Shams, un jeune du quartier, se fait embaucher comme agent de sécurité. Rapidement, sérieux et efficace, il réussit parfaitement son intégration et gagne la confiance de Valérie, la responsable du service. Mais Shams a un jeune frère, Amir, qui a choisi une autre voie.
Note de lecture
Depuis le bureau de Valérie comme depuis le restaurant panoramique, la vue est imprenable sur la petite ville de banlieue avec son organisation sociale qui rassemble tous les services utiles et, de manière plus fantasmatique, sur la lointaine capitale où les plus optimistes espèrent pouvoir un jour identifier le Sacré-Cœur. À tout prendre, cette distance n’est pas plus importante entre cette banlieue et Paris que la largeur du bureau qui sépare Valérie de Shams lors de son entretien d’embauche. Distance faite de violences sourdes, de peurs mal digérées et d’attirance presque sexuelle. Une distance tout aussi infranchissable et à risque que le trajet entre l’entreprise et la gare RER qui nécessite l’accompagnement d’un garde du corps en uniforme ou que le fossé séparant une voix d’homme et une femme via l’interphone d’une porte d’immeuble. La distance qui sépare un frère disparu de sa famille, une volonté d’intégration et un repli identitaire.
Une pièce très subtile et pleine de mystères, à l’écriture très séduisante. A lire absolument.
Note d’intention
J’ai grandi en banlieue parisienne. La question du rapport entre la capitale et la banlieue m’a toujours habitée. Mais il y a plusieurs banlieues, chacune est confrontée à ses problématiques propres – les transports en commun, l’urbanisation ou la grande ruralité, l’ennui, l’espace, les zones industrielles, les centres commerciaux, la stigmatisation des quartiers modestes… J’habite toujours en banlieue parisienne et je suis fascinée mais aussi terrifiée par l’évolution du territoire.
Il y a entre Paris et sa banlieue un rapport très singulier. Très violent parfois. Un rapport amour/haine des banlieusards pour Paris, un mépris de Paris pour sa périphérie.
Aujourd’hui, devant la flambée du prix des logements, la gentrification a modifié le territoire. La banlieue, hier encore accessible, devient un véritable enjeu économique et pousse les foyers les plus modestes à s’éloigner toujours plus loin de Paris.
Dans mon écriture, j’essaie de mettre en tension des questions qui me sont chères : la conscience des classes, la diabolisation des banlieues, la violence du monde du travail.
C’est comme cela qu’est né le personnage d’Amir, et c’est comme cela, poussé par un contexte asphyxiant, qu’il a immédiatement disparu dans la pièce, mais existant pleinement par son départ même.
Physiquement, Amir n’est plus là et son absence révèle en creux les questions auxquelles se confrontent ceux qui restent.
Amir avant est pour moi une tentative de donner à réfléchir sur le fossé qui se creuse entre les populations, sur la peur et l’aménagement du territoire. Poser la question du politique aussi. Poser la question de l’immigration et des Français d’origine étrangère. Si « le musulman » est devenu l’ennemi public numéro 1 du monde occidental depuis quelques années, je pense qu’il est urgent de casser certains fantasmes et clichés, tant sur les banlieusards que sur les musulmans. J’essaie d’aborder ces problématiques politiques éminemment contemporaines par le pas de côté que permet le théâtre.
Aurianne Abecassis
Aurianne Abécassis grandit en banlieue parisienne. A toujours l’impression d’être à côté. Cherche pourquoi ça ne tourne pas rond – à l’intérieur mais surtout en dehors d’elle – et comment ça tourne, et tout. Ne trouve pas. Cherche encore. Essaye de l’écrire, de poser tout ça à plat.
Après un Master d’Etudes théâtrales, Aurianne Abécassis est formée en jeu au conservatoire de Bobigny, puis accompagnée dans son écriture à l’ENSATT, sous la direction d’Enzo Cormann. Elle écrit pour le théâtre, pour la marionnette, pour la radio. Aime partir en résidence d’écriture (La Chartreuse, Centre des Ecritures dramatiques de Wallonie-Bruxelles, Textes en l’air, Collège René Descartes de Tremblay-en-France, Théâtre des 2 Rives de Charenton, …), écrire pour et avec des compagnies.
Co-fonde en 2014 le club d’auteurs ACMé – Appuyés Contre un Mur qui s’Ecroule – avec Marc-Antoine Cyr, Solenn Denis, Jérémie Fabre et Clémence Weill. Encadre des ateliers d’écriture pour enfants, adolescents et adultes. Cumule les boulots alimentaires pour vivre et continuer à faire partie du monde, pas que celui du théâtre.
En 2017, Amir avant est mis en lecture au festival de la Mousson d’hiver.
En 2018, Aurianne Abécassis sera en résidence d’écriture à la Maison des Ecritures et des Ecritures Transmédias – Hypolipo pour finaliser l’écriture de la pièce Opération Taïga (titre provisoire), une comédie documentée autour de « l’affaire Tarnac » qui sera créée en novembre 2019 à la Scène nationale de Gap, dans une mise en scène de Sébastien Valignat (compagnie Cassandre).
Textes
Pour le théâtre, elle écrit entre autre Provisoires anatomies (bourse du Centre National du Théâtre) ; Le meilleur bleu ; La confiance (bourse du Centre National du Livre) ; Amir avant, Chercher les camarades (Micheline).
Pour la radio, elle co-écrit avec Judith Bordas le docu-fiction radiophonique Pousser les murs diffusé sur France Culture ; Le meilleur bleu a été diffusé sur France Culture dans une réalisation de Marguerite Gateau.
Pour la marionnette, elle écrit notamment Espèces d’oiseaux [c’est vrai qu’il y a les rêves aussi] pour la compagnie La Perruque/Coopérative, Nos petites forêts (THE BIG BIG NIGHT) pour la compagnie Arnica.