IL FAUDRAIT SORTIR LE CHIEN – TOMISLAV ZAJEC

IL FAUDRAIT SORTIR LE CHIEN

TOMISLAV ZAJEC

Pièce écrite en 2012 en Croatie

Titre original Trebalo bi prošetati psa

Traduite du croate par Karine Samardzija  (2018)

Avec l’aide de la Maison Antoine Vitez

Création au Centre national de la danse Zagreb ( 2013)

Primée aux Journées des Auteurs de Lyon 2018

Editée à l’Espace d’un instant (2018)

Contact : Editions l’Espace d’un Instant

Résumé

Un homme raconte une journée de son existence, alors qu’il n’est plus. Est-il mort, est-il simplement absent au monde ? L’homme, documentaliste dans une école, mène une vie solitaire avec son chien. Il rend visite à son père, un vieil homme irascible, traducteur de renom, avec lequel il ne s’entend pas très bien. En parallèle, il entreprend de renouer avec son ancienne compagne, q’il a quittée sans explication et qui depuis, a refait sa vie. Pendant ce temps, le chien attend qu’on veuille bien le sortir.

Regard du traducteur

Construit en séquences, ce texte dramatique est proche de la prose par son épaisseur narrative, presque testamentaire. Le récit passé (séquences narratives) et le récit présent (dialogues) se mêlent au découpage du temps. Une horloge (digitale lors de la création), indique l’heure lors des dialogues, puis le temps est suspendu (l’horloge s’éteint) lors des séquences narratives où l’homme, hors du temps, n’est plus présent au monde et livre enfin ses émotions.

L’homme se laisse dériver, il est absent aux autres et à lui-même. Cette absence résonne avec force tout au long du texte. Avant même de disparaître, il se trouve déjà de l’autre côté, ailleurs, tandis que les autres sont dans la surface des choses. Les balades avec le chien, évoquées tout au long de la pièce, le maintiennent encore dans la vie.

Le père, quant à lui, vit en reclus, isolé derrière les murs de son appartement. Personnage un peu bourru, il a consacré sa vie à la traduction. Il consigne au quotidien des mots, des souvenirs, qu’il couche sur le papier. Il est plein de ressentiment, d’amertume. En sacrifiant tout à la traduction, il a observé sa vie plutôt que de la vivre. Il finit par se confier à son fils, lui avouant qu’il n’a jamais aimé sa mère, mais une autre femme avec qui il n’a pas eu le courage de s’engager. Sa vie a été brisée par la lâcheté (la femme aimée) et les accommodements (le mariage). Désormais, le monde ne semble plus l’intéresser.

La femme vient contrebalancer la figure du père. Elle refuse les non-dits, et s’insurge contre les silences de l’homme. Même si sa vie semble bancale – elle attend un enfant de son nouvel amant, un homme marié – elle avance, elle est en mouvement.

Le chien est lui aussi un personnage important. Bien qu’absent du plateau, le récit s’articule autour de lui. C’est lui qui réunit ces trois personnages, qui les pousse à sortir de leur retranchement. Car il faudra bien que quelqu’un s’en occupe lorsque l’homme aura disparu. Quoiqu’il arrive, il faut sortir le chien…

Note de lecture

La pièce est séquencée et même minutée. Dans ce récit qui échappe à l’emprise du temps, deux situations se croisent, l’une précédant l’autre, au cours de la même journée. Toutes les deux sont déjà de l’ordre du passé et l’homme est déjà ailleurs, probablement mort. Il a pu s’entretenir avec son père autoritaire, traducteur reconnu sur le point de recevoir une récompense pour ses travaux et retrouver son ancienne compagne, essayer d’expliquer ce qui l’a conduit à la quitter et lui confier une mission délicate: celle de sortir son chien. 

Un drame intime sur les difficultés de la relation, écrit dans une langue sobre et directe, très subtilement assaisonnée de sous entendus et de non dits. Une construction rigoureuse, génératrice d’un véritable suspens et une simplicité de lecture qui n’exclue absolument pas toute complexité des êtres. Et au milieu, le chien, aussi présent que la pluie qui attend qu’on le sorte quand tout sera fini.

L’auteur : Tomislav Zajec

Né à Zagreb (Croatie) en 1972, Tomislav Zajec a suivi un cursus de dramaturgie à la Faculté des arts de la scène à Zagreb, où il a également enseigné. Il a écrit trois recueils de poésie, quatre romans, ainsi qu’une dizaine de pièces de théâtre. Il a reçu à quatre reprises le prix Marin Drzic du meilleur texte dramatique. Ces textes sont très présents sur les scènes nationales. Ils sont traduits en anglais, en allemand, en hongrois, en roumain, en polonais, en russe, et depuis peu en espagnol (Argentine). Ils ont été montés en Croatie, en Serbie, en Bosnie, au Royaume-Uni ainsi qu’en Argentine.

Autres ouvrages

John Smith, Princesse de Galles, 2000, lauréat du prix Dekanova, meilleur texte dramatique.
Assassins, 2001, prix Marin Drzic du meilleur texte dramatique.
Les Porcs, 2003
Le Nouveau Nosferatu, 2003
Sauvés, 2010
Il faudrait sortir le chien, 2012, prix Marin Drzić du meilleur texte dramatique.
Dorothy Gale, 2014, prix Marin Drzić du meilleur texte dramatique.
Ce qui nous manque, 2017, prix Marin Drzić du meilleur texte dramatique.

 

La traductrice: Karine Samardzija

Née en France en 1976, Karine Samardžija a suivi une formation littéraire et linguistique en bosniaque, croate et serbe à l’Inalco. En 2006, elle fonde la revue Retors, revue numérique de traduction, avec Sarah Cillaire et Monika Prochniewicz. Elle a traduit du théâtre (Almir Imširević, Aleksandra Tišma, Slobodan Šnajder, Natasa Govedic, Lana Saric, Milena Markovic, Milena Bogavac, etc.), ainsi que de la poésie (Marko Ristić, Jovan Hristić).

Elle a coordonné le comité bosniaque, croate et serbe du réseau de traduction Eurodram.

Elle a bénéficié d’une résidence de traduction à la Maison d’Europe et d’Orient en 2014, avec le soutien de la région Île de France.

Elle a reçu l’aide à la création d’ARTCENA pour le texte Puissent nos voix résonner, d’Adnan Lugonić, traduit avec le soutien de la Maison Antoine Vitez.